Le bombardement du théâtre de Mariupol a-t-il été organisé par les extrémistes ukrainiens d’Azov pour déclencher l’intervention de l’OTAN ?

Le bombardement du théâtre de Mariupol a-t-il été organisé par les extrémistes ukrainiens d’Azov pour déclencher l’intervention de l’OTAN ?

La radio nous annonçait qu'il y aurait d'innombrable morts après le bombardement de ce théâtre qui était censé abriter plus de 1000 personnes puis seulement 500 puis on ne sais plus très bien. Pourquoi ce bégaiements des journalistes ?
Source : The Grayzone - Max Blumenthal - 18/03/2022

Les témoignages d’habitants évacués de Marioupol et les avertissements d’un coup monté sapent les affirmations du gouvernement ukrainien concernant le bombardement russe d’un théâtre local abritant des civils.

Les médias occidentaux ont rapporté que l’armée russe a délibérément attaqué le Théâtre Dramatique Régional de Donetsk à Mariupol, en Ukraine, affirmant qu’il était rempli de civils et que des panneaux indiquant « enfants » se trouvaient dans son enceinte.

Ce prétendu bombardement a eu lieu au moment même où le président ukrainien Volodymyr Zelensky demandait au Congrès étatsunien la création d’une zone d’exclusion aérienne, alimentant ainsi le refrain en faveur d’une confrontation militaire directe avec la Russie et inspirant apparemment le président Joseph Biden qui a qualifié Vladimir Poutine, le président russe, de « criminel de guerre ».

En y regardant de plus près, on s’aperçoit que les habitants de Mariupol avaient prévenu trois jours avant l’incident du 16 mars que le théâtre serait la cible d’un coup monté lancé par le bataillon Azov, ouvertement néo-nazi, qui contrôle le bâtiment et le territoire qui l’entoure.

Les civils qui se sont échappés de la ville par les couloirs humanitaires ont témoigné qu’ils étaient retenus par Azov comme boucliers humains dans la zone, et que les combattants d’Azov ont fait exploser des parties du théâtre lors de leur retraite. Malgré les allégations d’une attaque aérienne massive russe qui aurait réduit le bâtiment en cendres, tous les civils semblent s’en être sortis indemnes.

La vidéo de l’attaque du théâtre n’est toujours pas disponible au moment de la publication ; seules des photographies de la structure endommagée peuvent être visionnées. Le Ministère Russe de la Défense a nié avoir mené une attaque aérienne sur le théâtre, affirmant que le site n’avait aucune valeur militaire et qu’aucune sortie n’a été effectuée dans la zone le 16 mars.

Alors que l’opération militaire russe en Ukraine a déclenché une crise humanitaire à Mariupol, il est clair que la Russie n’a rien gagné en ciblant le théâtre et qu’elle s’est pratiquement garantie un autre coup de massue en ciblant un bâtiment rempli de civils, y compris des personnes d’origine russe.

Azov, en revanche, a bénéficié de cette agression dramatique et macabre imputée à la Russie. En pleine retraite autour de Mariupol et confrontés à la possibilité d’un traitement brutal de la part d’une armée russe acharnée à la « dé-nazification », le seul espoir de ses combattants semblait être de déclencher une intervention directe de l’OTAN.

C’est ce même sentiment de désespoir qui a inspiré le discours soigneusement préparé de Zelensky devant le Congrès, dans lequel il a invoqué le discours « I Have A Dream » de Martin Luther King Jr. et a diffusé une vidéo extrêmement bien produite décrivant les souffrances des civils pour plaider en faveur d’une zone d’exclusion aérienne.

En suscitant l’indignation de l’opinion publique occidentale à l’égard des horribles crimes de guerre russes, le gouvernement ukrainien vise clairement à générer une pression suffisante pour surmonter la réticence de l’administration Biden à affronter directement l’armée russe.

Mais l’allégation la plus forte de Kiev jusqu’à présent, à savoir que la Russie a délibérément bombardé des enfants innocents recroquevillés à l’intérieur d’un théâtre, a été battue en brèche par des témoignages d’habitants de Mariupol et par un message Telegram largement diffusé annonçant explicitement le coup monté d’une attaque contre le bâtiment.

Des enfants suivent un entraînement militaire lors d’un camp d’été organisé par le bataillon Azov en 2015.

Les combattants du bataillon Azov sont désespérés à Mariupol et demandent une intervention militaire occidentale.

La ville portuaire stratégique de Mariupol, située au sud-est du pays, est tenue par le bataillon Azov depuis 2014. Depuis sa prise, elle a servi de base politique et militaire pour le groupe paramilitaire ultra-nationaliste alors qu’il lançait des assauts contre les séparatistes pro-russes dans la république séparatiste de Donetsk.

Issu des rangs des activistes d’extrême droite qui ont fourni aux manifestants les muscles de la rue lors du coup d’État de 2013-14, le bataillon Azov a été officiellement incorporé à la Garde Nationale Ukrainienne par le Ministère de l’Intérieur du pays. Il a été fondé par l’organisateur ouvertement fasciste Andriy Biletsky, qui a juré de « mener les races blanches du monde dans une croisade finale … contre les Untermenschen [sous-humains] dirigés par des sémites. »

Les combattants d’Azov, qui arborent sur leurs uniformes et leurs drapeaux le symbole du loup, d’inspiration nazie, ne font pas mystère de leurs objectifs idéologiques. Bien que le FBI, le Congrès des États-Unis et ses propres combattants l’aient identifié comme une unité néonazie et qu’il ait été impliqué dans toute une série de violations sordides des Droits de l’Homme, Azov a ouvertement collaboré avec des formateurs militaires étatsuniens et canadiens.

Après avoir accusé Azov de chercher à exterminer les populations russes du Donbas, Poutine a fait de sa base de Mariupol la ligne de front de sa campagne déclarée de « dé-nazification » de l’Ukraine. Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, la ville est devenue le théâtre de combats urbains féroces, les forces spéciales russes et les forces de la milice populaire de la République Populaire de Donetsk se livrant à une lutte bloc par bloc pour le contrôle, tandis que l’artillerie s’abat sur les positions d’Azov.

Le 7 mars, un commandant du bataillon Azov, Denis Prokopenko, est apparu devant les caméras de Mariupol avec un message urgent. Publié sur la chaîne officielle d’Azov sur YouTube et diffusé en anglais par-dessus le son des tirs d’artillerie occasionnels, Prokopenko a déclaré que l’armée russe menait un « génocide » contre la population de Mariupol, qui se trouve être à 40 % d’origine russe.

Prokopenko a ensuite demandé aux nations occidentales de « créer une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine, soutenue par des armes modernes ». Le plaidoyer de Prokopenko montrait clairement que la position d’Azov devenait chaque jour plus désastreuse.

Alors que l’armée russe dégradait rapidement les positions d’Azov tout au long de la deuxième semaine de mars 2022, les soldats d’Azov ont apparemment dirigé des civils âgés ainsi que des femmes et des enfants vers la salle des costumes du Théâtre Dramatique Régional de Donetsk à Mariupol.

Dans une vidéo filmée à l’intérieur du bâtiment faiblement éclairé le 11 mars, un homme de la région affirme qu’un millier de civils sont piégés à l’intérieur et demande un couloir humanitaire pour leur permettre de s’échapper. Cependant, seul un petit groupe de civils pouvait être vu dans la vidéo.

« Je vous supplie d’arrêter tout cela, donnez-nous le couloir pour faire sortir les gens, pour faire sortir les femmes, les enfants, les blessés… », déclarait dans la vidéo un narrateur à lunettes (vu ci-dessous).

Un soldat d’Azov (G) apparaît le 11 mars avec un homme de la région devant le théâtre de Mariupol.

Depuis que la Russie a lancé son invasion, les soldats du bataillon Azov ont été filmés en train d’empêcher les civils de quitter Mariupol – ils ont même forcé des hommes à sortir de leur voiture et les ont brutalement agressés alors qu’ils tentaient de franchir les points de contrôle des paramilitaires. Si l’on en croit les témoignages de nombreux habitants de Mariupol, Azov a utilisé nombre d’entre eux comme boucliers humains.

Quelques jours avant l’incident du théâtre de Mariupol, des avertissements effrayants concernant une menace de « manipulation ».

Le 12 mars, un message glaçant est apparu sur le canal Telegram de Dmitriy Steshen, correspondant à Mariupol pour le journal russe Komsomolskaya Pravda.

Selon Steshen, des habitants de la région lui ont dit qu’un présumé bombardement russe de la mosquée turque Kanuni Sultan Suleyman à Mariupol ce jour-là était un coup monté destiné à « entraîner la Turquie dans la guerre », et ont prévenu que le coup monté d’une attaque contre le Théâtre Dramatique de Mariupol était imminente.

Le message du Telegram se lisait comme suit :

« Regardez ce que nos lecteurs de Mariupol nous ont envoyé. Si l’information peut être vérifiée, elle doit être mise en évidence [pour les médias] :

Zelensky prépare deux actes de provocation [coups montés] à Mariupol ! !! L’une de ces prétendues provocations est dirigée contre les citoyens turcs, qui se sont cachés dans la mosquée construite par Akhmetov, et elle a déjà commencé : les artilleurs ukrainiens bombardent le terrain de la mosquée, depuis leurs positions à [Zinsteva] Balka à Nizhniaya [Lower] Kirvoka. Zelensky n’a pas réussi à entraîner l’UE, les États-Unis et le Royaume-Uni dans la guerre contre la Fédération de Russie. Aujourd’hui, Zelensky tente d’entraîner la Turquie dans cette guerre, en misant sur le caractère émotionnel explosif et l’amour que les fidèles portent à leurs sanctuaires sacrés.

La deuxième coup monté que Zelensky prépare pour les médias occidentaux, après l’échec de la provocation de la maternité [de Mariupol], les soldats ukrainiens, avec l’administration du théâtre dramatique, ont rassemblé des femmes, des enfants et des personnes âgées de Mariupol dans le bâtiment du Théâtre Dramatique, afin – si l’occasion se présentait – de faire exploser le bâtiment et de crier dans le monde entier que c’était l’armée de l’air de la Fédération de Russie et qu’il devait y avoir immédiatement une ‘zone d’exclusion aérienne’ au-dessus de l’Ukraine ».

Le message de Steshin relatant les avertissements des habitants de Mariupol a été vu par plus de 480 000 utilisateurs de Telegram. Il figure ci-dessous et peut également être consulté ici.

Le 12 mars, des médias occidentaux comme l’Associated Press ont repris les affirmations du gouvernement ukrainien selon lesquelles la mosquée turque de Mariupol avait été bombardée par la Russie avec 80 civils à l’intérieur, dont des enfants.

Cependant, les médias d’État turcs ont révélé que le gouvernement ukrainien avait trompé les journalistes occidentaux. La mosquée Kanuni Sultan Suleyman était non seulement entièrement intacte, mais elle n’avait jamais été touchée par les tirs russes.

« Notre mosquée n’a subi aucun dommage », a déclaré Ismail Hacioglu, chef de l’association de la mosquée, à l’agence turque Andalou le 12 mars.

Toujours rempli de civils, le théâtre de Mariupol était le prochain sur la liste des cibles.

L’Associated Press (en haut) s’est entièrement appuyé sur les affirmations du gouvernement ukrainien concernant la mosquée de Mariupol, tandis que les médias turcs (en bas) ont interviewé le responsable de la mosquée. Le contraste dans la couverture est révélateur.

Alors que Zelensky supplie le Congrès pour une intervention militaire, on apprend l’attaque d’un théâtre

Moins de 48 heures après l’annonce des affirmations démenties d’une attaque russe contre la mosquée de Mariupol, des couloirs humanitaires se sont finalement ouverts autour de la ville. La fuite de milliers de civils vers les positions militaires russes a affaibli davantage le bataillon Azov, qui utilisait les habitants de Mariupol comme garantie dans sa tentative d’imposer une zone d’exclusion aérienne.

Le 16 mars, alors que son armée s’effondre sous l’assaut russe, le président ukrainien et le célèbre acteur-comédien Zelensky apparaissent par vidéo pour une présentation soigneusement scénarisée et élaborée devant une assemblée de membres du Congrès étatsunien ébahis.

« Je fais un rêve. Ces mots sont connus de chacun d’entre vous aujourd’hui. Je peux dire que j’ai un besoin. J’ai besoin de protéger notre ciel », a proclamé Zelensky. Le président ukrainien a ainsi invoqué les mots les plus célèbres du militant anti-guerre le plus vénéré d’Amérique, Martin Luther King Jr, pour appeler à la création d’une zone d’exclusion aérienne qui mettrait en confrontation directe les armées étatsuniennes et russes dotées d’armes nucléaires.

Quelques heures à peine après le discours de Zelensky, la nouvelle est arrivée directement du service de presse du bataillon Azov que la Russie avait bombardé le théâtre de Mariupol.

Disposant d’un monopole sur les informations provenant du lieu de l’attaque présumée, en l’absence d’autres organes de presse, le service de presse d’Azov a diffusé des photos du bâtiment détruit aux médias du monde entier.

Le filigrane du bataillon Azov est clairement visible dans le coin inférieur droit de l’image ci-dessous. La photo du bataillon Azov a été republiée par des médias internationaux, dont Sky News, mais avec la marque du paramilitaire masquée. Lorsque le South China Morning Post a publié l’image, il a supprimé le filigrane et attribué la mention « Azov Battalion via AP ».

L’une des images les plus largement publiées du Théâtre Dramatique Régional Académique de Donetsk a été fournie aux médias internationaux par le Bataillon Azov.

Parmi les premières personnalités des médias de langue anglaise à transmettre le récit de l’incident par le gouvernement ukrainien à un public de masse figure Illia Ponomarenko, une journaliste basée à Kiev, formée aux États-Unis, qui a réussi à rassembler plus d’un million de followers sur Twitter depuis le début de l’invasion russe.

Il se trouve que Ponomarenko travaillait pour l’Indépendant de Kiev, un journal qui a été l’une des armes d’information étatsuniennes les plus puissantes en Ukraine. Le journal avait été créé avec l’aide de la National Endowment for Democracy [NED], un organisme de renseignement étatsunien, et une « subvention d’urgence » de son cousin financé par l’UE, la European Endowment for Democracy [EED].

Pour sa part, Ponomarenko a qualifié le bataillon Azov de « frères d’armes » et s’est vanté de « se détendre » avec ses combattants près des « lignes ennemies ».

Apparemment emporté par le maelström émotionnel inspiré par les nouvelles de Mariupol, le président Joseph Biden a qualifié son homologue russe, Vladimir Poutine, de « criminel de guerre », de « dictateur meurtrier » et de « pur voyou ».

Ensuite, Human Rights Watch a publié un communiqué de presse rédigé à la hâte, intitulé « Le théâtre de Mariupol touché par une attaque russe a abrité des centaines de personnes ». L’ONG soutenue par un milliardaire a reconnu qu’elle n’avait interrogé aucun habitant de Mariupol après l’attaque et n’a fourni aucune preuve de la responsabilité russe. En effet, la seule source de HRW désignant la Russie comme coupable était le gouverneur ukrainien de Donetsk.

L’armée russe était-elle à ce point assoiffée de sang – et politiquement autodestructrice – qu’elle a délibérément visé un bâtiment dont on savait qu’il était rempli d’enfants ? Ou bien la prédiction d’un coup monté faite par les habitants de Mariupol quatre jours auparavant s’était-elle réalisée ?

Des signes suspects, des trous dans le récit du gouvernement ukrainien apparaissent

Bien qu’Azov se targue d’une unité de presse sophistiquée qui filme ses exploits sur le terrain, et que les soldats publient même les vidéos les plus banales d’eux-mêmes sur les médias sociaux, les images du bombardement du théâtre étaient introuvables.

Les photos fournies par Azov aux médias ukrainiens et étrangers montrent invariablement le théâtre bombardé, sans aucune personne en vue, vivante ou morte.

Un jour avant le bombardement, le 15 mars, un groupe d’hommes d’âge militaire a été photographié devant le théâtre de Mariupol. Aucune femme n’était visible sur l’image. On peut voir les hommes placer des palettes contre le côté du bâtiment, transporter de gros objets dans l’enceinte du théâtre et abattre un sapin.

Selon le rapport de Human Rights Watch sur l’incident du théâtre, qui ne contient aucun témoignage local recueilli après l’attaque, les hommes étaient en train de « faire cuire de la nourriture sur un feu ouvert et de collecter de l’eau dans des seaux ».

Comme on peut le voir ci-dessous, des palettes et d’autres objets étaient empilés contre la même zone du bâtiment touché par une charge explosive le jour suivant.

Alors que le théâtre semble avoir été lourdement endommagé – « ils ont réduit le bâtiment en cendres », a déclaré Ponomarenko – il s’est avéré que l’explosion n’a tué personne.

« C’est un miracle », s’est exclamé le journaliste du Kyiv Independent.

Dans un reportage de 7 minutes diffusé le 17 mars, mêlant informations et agit-prop, ABC News a affirmé que tous les civils avaient été sauvés du théâtre, mais que « des centaines de personnes étaient toujours portées disparues. » Les données sur le théâtre de taille modeste reproduites sur sa page Wikipedia ukrainienne indiquent que sa capacité maximale est de 680 places assises, ce qui soulève des questions sur la façon dont des « centaines » de personnes auraient pu tenir dans son sous-sol.

En outre, ABC a affirmé que le théâtre avait été touché par un bombardement d’artillerie russe, et non par une « bombe russe larguée par avion » comme l’ont affirmé Ponomarenko et beaucoup d’autres.

Les médias ukrainiens, quant à eux, ont exprimé leur confusion quant à l’incident. Le média 0629 a tenté d’expliquer la disparition mystérieuse du millier de civils qui auraient été présents dans le théâtre en affirmant qu’ils avaient été évacués vers la ville de Zaporozhye un jour avant la prétendue attaque. « Nous attendons les informations officielles vérifiées et ne nous précipitons pas sur les conclusions », a déclaré le journal.

Alors que les habitants de Mariupol se déversaient hors de la ville par les couloirs humanitaires de l’armée russe, des témoignages ont commencé à émerger sur les attaques impitoyables d’Azov contre les civils en fuite – et sur une tromperie majeure au niveau du théâtre local.

« Quand [les soldats d’Azov] sont partis, ils ont détruit le théâtre ».

Le 17 mars, une jeune femme a livré un compte-rendu révélateur de la situation à l’intérieur de Mariupol à ANNA, l’agence de presse du réseau abkhaze.

« Les combattants d’Azov se cachaient simplement derrière nous », a-t-elle déclaré à un journaliste. « Nous étions leurs boucliers humains, c’est tout. Ils cassaient tout, tout autour de nous, ils ne nous laissaient pas sortir. Nous avons passé 15 jours dans un sous-sol, avec des enfants… Ils ne nous donnaient pas d’eau, rien. »

Décrivant comment le bataillon Azov a placé ses chars devant les abris anti-bombes locaux, la femme a offert un détail révélateur : « Quand ils sont partis », dit-elle en parlant du bataillon Azov, « ils ont détruit le théâtre. On nous a amené des gens avec des éclats d’obus ».

De nombreuses personnes évacuées ont fait écho au témoignage de cette femme selon lequel Azov retenait des civils de Mariupol en otage, et ont déclaré avoir été prises pour cible par des tirs alors qu’elles s’échappaient par les couloirs humanitaires.

« Ils ont tout brûlé », a rappelé une femme âgée aux médias russes. « Ils ont bombardé tout [mon] appartement….. Ils sont entrés par effraction et se sont assis là, à faire des cocktails Molotov. Je voulais entrer, prendre mes affaires, mais ils m’ont dit : ‘Non, vous n’avez rien à faire ici’. »

À la question d’un journaliste qui lui demandait qui l’avait attaquée et avait envahi son domicile, la femme a répondu : « Eh bien, les Ukrainiens, bien sûr. »

Un homme intercepté par un journaliste d’ANNA après s’être échappé de Mariupol a repoussé ses larmes en montrant du doigt les positions de l’armée ukrainienne. « Azov, ces salopes… les gens ont essayé d’évacuer… Azov… ils ont exécuté les gens… les monstres, la racaille… ils les ont abattus, des bus entiers. »

« L’armée ukrainienne nous tirait dessus, tirait sur les gens », a déclaré un autre homme qui a fui Mariupol. « Juste devant notre maison. »

« L’Ukraine ne nous a pas laissé quitter la ville, nous étions bloqués », a déclaré un autre évacué. « Les militaires ukrainiens sont arrivés et ont dit, en aucun cas vous ne devez quitter la ville si la Fédération de Russie ouvre un corridor humanitaire pour vous. Nous voulons continuer à vous utiliser comme bouclier humain. »

La ligne rouge : les leçons de la Syrie

L’attentat à la bombe contre le Théâtre Dramatique Régional Académique de Donetsk à Mariupol était-il un coup monté exécuté par les extrémistes d’Azov pour déclencher l’intervention de l’OTAN, comme l’ont prétendu certains résidents locaux ? Si tel est le cas, ce n’était pas la première tromperie cynique déployée par le gouvernement ukrainien pour attirer l’Occident dans le conflit, et il est peu probable que ce soit la dernière.

Le 16 mars, le jour de l’incident au théâtre, le secrétaire d’État étatsunien Antony Blinken a déclaré : « Nous sommes réellement préoccupés par le fait que la Russie pourrait utiliser une arme chimique, une autre arme de destruction massive. » Dans la foulée, Blinken a pointé du doigt la Syrie, où il a affirmé que « nous les avons vus utiliser ou acquiescer à l’utilisation [d’armes chimiques] ».

C’est en Syrie que l’administration du président Barack Obama a imposé sa politique de « ligne rouge », déclarant que toute attaque chimique déclencherait automatiquement une réponse militaire des étatsunienne. Cette politique a ouvert la voie à une série d’incidents qui semblent avoir été perpétrés par des forces d’opposition syriennes soutenues par l’étranger pour contraindre les États-Unis à intervenir contre Damas.

Lors de l’incident le plus meurtrier, des centaines de civils ont été tués lorsque des roquettes remplies de sarin ont été tirées – apparemment depuis un territoire contrôlé par les insurgés – sur plusieurs sites de la Ghouta, dans la banlieue de Damas, le 21 août 2013. Après qu’Obama a accusé le gouvernement syrien et s’est préparé à lancer des frappes, des fonctionnaires dissidents de l’administration ont révélé aux médias que les renseignements qui accusaient Damas n’étaient en fait pas « irréfutables« , une référence claire aux fabrications de la CIA avant la guerre d’Irak. Le journaliste Seymour Hersh a par la suite rapporté que les États-Unis avaient recueilli des renseignements significatifs indiquant la culpabilité des insurgés de la Ghouta. Ce sont ces informations, a rapporté Hersh, qui ont convaincu Obama d’abandonner sa soi-disant « ligne rouge ».

Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont tenté de faire revivre la « ligne rouge » en bombardant la Syrie en raison d’allégations d’armes chimiques en 2017 et 2018. Mais des preuves importantes dans les deux cas indiquent des incidents mis en scène par des insurgés. Dans le cas de l’incident d’avril 2017 à Khan Cheikhoun, Trump a ignoré les renseignements et a lancé des frappes aériennes contre l’armée syrienne. Et dans la banlieue de Damas, à Douma, l’année suivante, les enquêteurs de l’OIAC n’ont trouvé aucune preuve d’une attaque chimique, mais ont vu leurs conclusions trafiquées et censurées alors que les responsables étatsuniens s’efforçaient de faire pression sur l’organisation et de la coopter.

Comme l’a déclaré un ancien ambassadeur étatsunien au Moyen-Orient au journaliste Charles Glass, « la « ligne rouge » était une invitation ouverte à opération coup monté. »

Les allégations douteuses d’une attaque russe contre le théâtre de Mariupol n’ont pas réussi à déclencher la ligne rouge de l’administration Biden. La question est maintenant de savoir jusqu’où le gouvernement ukrainien est prêt à aller pour déclencher la zone d’exclusion aérienne dont il a besoin pour éviter la défaite imminente de ses forces militaires.